Réforme des retraites : ce que propose le rapport Delevoye
Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, a remis ses préconisations pour la création d’un système « universel » dans lequel les règles seraient identiques pour tous les assurés.
Jean-Paul Delevoye a fini pas dévoiler ses propositions. Après près de deux ans de concertation avec les partenaires sociaux, le Haut-commissaire en charge de la réforme des retraites a remis, le 18 juillet 2019, son rapport à Édouard Philippe portant sur la mise en place d’un système « universel » dans lequel tous les Français seraient, comme promis par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, soumis aux mêmes règles de retraite. Ces préconisations vont servir de « squelette » à un projet de loi présenté en novembre en Conseil des ministres et discuté au Parlement l’an prochain, vraisemblablement après les élections municipales de mars 2020.
Sans surprise, le système, qui devrait entrer en vigueur en 2025, fonctionnera sur le principe de la répartition, c’est-à-dire que les cotisations versées par les actifs serviront, comme aujourd’hui, à financer immédiatement les pensions des retraités. Il s’agira d’un système en points, sur le modèle de l’Agirc-Arrco. Les cotisations permettront d’acquérir des points tout au long de la vie professionnelle qui seront, à la liquidation des droits, multipliés par la valeur de service du point du moment pour donner le montant annuel de la pension à servir.
Une cotisation déplafonnée pour la solidarité
Cette règle s’appliquera à tous les assurés nés à partir de 1963 et quel que soit leur statut professionnel (salarié, fonctionnaire ou indépendant). Les retraites seront calculées sur la totalité de la carrière et non plus sur la moyenne de 25 meilleures années de salaires pour les actifs du secteur privé ou sur la moyenne des six derniers mois de rémunération pour ceux du secteur public. Un mode de calcul qui avantage a priori les petits salaires et les carrières « hachées » et pénalise les fonctionnaires et les carrières ascendantes, puisque tous les salaires vont être pris en compte et pas seulement les plus élevés.
Tous les actifs seront assujettis à une cotisation vieillesse de 2,81% sur l’ensemble de la rémunération, destinée à financer les dispositifs de solidarité (points « gratuits » au titre du chômage, de la maladie ou de la maternité, minimum de pension…). Une mauvaise nouvelle là encore pour les gros salaires, puisque cette cotisation « déplafonnée » ne permettra pas d’acquérir de droits à la retraite.
Deux taux pour les indépendants et les libéraux
Pour les salariés, les fonctionnaires et les agents des régimes « spéciaux » (EDF, SNCF, RATP, Banque de France…), le taux de cotisations génératrices de points s’élèvera à 25,31%, dont 60% pris en charge par l’employeur comme actuellement, dans la limite de trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (Pass), soit environ 120.000 euros par an. Les cadres dirigeants et supérieurs ne s’ouvriront donc pas de droit au-delà de 10.000 euros par mois. Les primes des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux seront intégrées à leur assiette de cotisation, ce qui n’est le cas aujourd’hui. De quoi avantager les emplois publics à forte prime (hauts-fonctionnaires, policiers…) et désavantager ceux à faible prime (enseignants…).
Afin d’éviter aux travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, exploitants agricoles) et aux professions libérales (médecins, avocats, architectes, pharmaciens, notaires, experts-comptables…) de subir une hausse brutale de leurs charges, ils bénéficieront de deux étages de cotisation. Le premier, fixé à 28,12% comme pour les salariés (en comptant la cotisation déplafonnée), portera sur leurs bénéfices à hauteur d’un Pass, soit environ 40.000 euros. Le second, compris entre un et trois Pass (de 40.000 à 120.000 euros), sera abaissé à 12,94% (l’équivalent de la seule part salariale).
Des points pour la maternité, la maladie, le chômage et l’invalidité
Durant leur congé de maternité, les femmes acquerront des points calculés sur leur rémunération de l’année précédente. Des points seront également attribués pendant les arrêts maladie en fonction du salaire et pendant les périodes de chômage en fonction du montant de l’allocation versée par Pôle emploi. Des points seront aussi octroyés en cas d’invalidité à partir des 10 meilleures années de salaire. Un minimum de pension correspondant à 85% du Smic sera versé à tous les actifs (y compris les indépendants et les libéraux) ayant travaillé au moins 42 ans.
L’âge minimum de départ à la retraite sera maintenu à 62 ans. Seuls les fonctionnaires dont l’emploi présente un danger et/ou exige des aptitudes physiques particulières (militaires, policiers, pompiers professionnels, douaniers, gardiens de prison, aiguilleurs du ciel) pourront continuer à partir à 57 ou 52 ans, soit 20% des agents publics. Les autres devront prendre eux aussi leur retraite à 62 ans. Une longue phase de transition sera prévue (augmentation de l’âge de départ au rythme de quatre mois par an). Par ailleurs, le compte pénibilité sera étendu au secteur public, ce qui permettra aux fonctionnaires travaillant dans des conditions difficiles de partir à 60 ans.
À côté de l’âge minimum, un âge à taux plein (ou d’équilibre) sera mis en place. Il correspondra à l’âge à partir duquel le système de retraite sera équilibré financièrement. Les assurés qui liquideront leurs droits avant subiront une décote, et ceux qui partiront après bénéficieront d’une surcote. Il sera fixé au départ à 64 ans et évoluera en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie.
Le cumul emploi-retraite générateur de droits
Les mères de famille toucheront à la retraite un bonus de 5% par enfant, dès le premier et sans plafond. Quatre ans après la naissance ou l’adoption de l’enfant, les parents pourront demander que la majoration soit partagée (2,5% chacun) ou versée au père. Les retraités seront autorisés à cumuler leurs pensions et un revenu d’activité à condition de justifier du taux plein, c’est-à-dire d’avoir travaillé jusqu’à 64 ans. Les cotisations vieillesse versées dans le cadre de leur nouvelle activité leur ouvriront des droits à la retraite, contrairement à aujourd’hui.
Les veuves et veufs ne percevront plus une fraction de la retraite de leur conjoint décédé. Ils toucheront un complément de pension leur permettant de disposer de l’équivalent de 70% du montant cumulé des deux retraites du couple. Il n’y aura plus de condition de ressources, mais le conjoint survivant devra être âgé d’au moins 62 ans. Par ailleurs, les conjoints divorcés n’auront plus aucun droit.